Un enfant aux portes

Alertée par l'un des gardes qu'un visiteur pas plus haut que trois pommes venait d'arriver au château, la domestique de la famille s'empressa d'aller toquer au bureau de sa maitresse pour l'avertir.

Grummpf Pourquoi venez vous encore me déranger Doriana?? Je travaille là !

S'enfonçant dans son fauteuil, les deux bras posés sur les accoudoirs, Izéa Salaun de Kerkrenv toisa sa servante.

Madame. Un dénommé Elder vous demande aux portes du château.

Les yeux de la jeune femme s'écarquillèrent et son cœur se mit à battre la chamade. Elle, d'habitude si sereine, venait de complètement perdre pied. Ce n'était pas un homme qu'elle devait accueillir mais un enfant, son enfant. Elle se leva de son siège, les jambes flageolantes et se dirigea vers la fenêtre. Du bout des doigts elle leva le rideau et observa l'entrée: il était bien là ce petit bout d'homme.

Laissez moi Doriana. Vaquez à vos occupations je m'en charge.

Pour la première fois de sa vie, elle releva son décolleté pour masquer un peu sa poitrine voluptueuse. Inspirant une grande bouffée d'air pour reprendre confiance en elle, la Sulfureuse descendit les escaliers et quitta le château pour rejoindre les grilles de l'entrée.

Plus les secondes s'écoulaient, plus la silhouette de l'enfant devenait clair. Il était beau... A son image...
Que devait-elle faire? Qu'aurait fait une mère? Izéa n'avait pas l'instinct maternel... Aussi resta t-elle très distante...

Elder_oviedo?
Bienvenue chez toi...

Elle était mal à l'aise...

"Bonjour madame. Je suis Elder, enchanté de vous rencontré. C'est vous Izéa? Vous êtes belle."

La jeune femme eut un petit rire étouffé, un peu stupéfaite. Il la trouvait belle... Voilà ses premières paroles: "vous êtes belle". De la bouche de n'importe quel autre homme elle n'aurait pas été étonné et se serait contenter de répliquer: c'est un privilège de Dame Nature que tous n'ont pas hérité. Mais face à son fils... elle ne pouvait pas se le permettre.

Elle prit quelques secondes pour l'observer plus en détail. Il avait un regard doux, pour sur son môme n'était pas le genre de gosses à vous sauter à la tronche pour vous extirper votre bourse, et il n'avait pas non plus un regard noir empli de haine. Elle ressentait juste un enfant heureux de découvrir ses origines. Pauvre petit...

Je ne me suis pas présentée. Excuse moi. Je suis Izéa Salaun de Kerkrenv. Bref instant de silence. ... ta mère.
As tu fais bon voyage?
Je suppose que tu es fatigué. Désires tu que je te conduise à ta chambre? Ou veux tu que je te fasse préparer à manger?

Elle était toujours aussi gauche dans ses paroles.

Ca y est c'était confirmé, c'était sa mère. Avait t'il faim? Non il avait bien mangé. Il la regarda en souriant, il souriait toujours.

"J'ai pas faim, merci. Je veux bien voir ma chambre, je dois ranger mes affaires."

Lui montre son petit sac.

"Mais avant il faut que je mette le cheval à l'écurie."

Désigne le cheval à coté de lui, un beau cheval noir comme la nuit.

"Il est beau hein? Je l'ai appelé Gurun."

Il fait claqué sa langue dans sa bouche et le cheval approche de lui. Il sort une pomme de son sac et la lui donne avant de caresser le museau de l'animal.

"Vous voulez le caresser? Vous allez voir il est gentil."

Puis s'adressant au cheval

"Gurun elle c'est ma maman, tu es gentil avec elle d'accord?"

L'animal secoue la tête en guise d'approbation.

En entendant, le petit bout d'homme prendre la parole, la Sulfureuse bretonne se remémora une conversation qu'elle avait eu quelques jours auparavant avec Erwan. Il lui avait dit: "acceptez de lâcher prise et de ne pas avoir le contrôle sur tout ce qui vous entoure." Il avait eu tord, elle lui démontrerait. Elle ne lâcherait pas prise face à cet enfant, elle le garderait près d'elle, lui apprendrait ce qu'il fallait savoir sur la vie et les vautours qui cherche à s'emparer de tes failles. Elle s'en fit la promesse.

Il était attendrissant. Quelque part il lui rappelait ses premières rencontres avec Nael, il semblait avoir une identique insouciance. Bien sur ça c'était avant...

L'animal arriva à leur hauteur. Une sublime créature. Izéa n'aimait guère de choses mais les chevaux c'était une de ses passions cachées.

Alors qu'elle posait une main sur le museau de l'animal, elle regarda son interlocuteur.

Qui t'a appris à monter? L'homme qui s'est chargé de te prendre sous son aile? Et dis moi cet animal tu l'as bien acheté avec l'argent que je t'ai donné? Tu ne l'as pas volé?

Les secondes s'écoulaient et la Blonde reprenait confiance en elle et son sourire envouteur vient à nouveau fleurir à la commissure de ses lèvres.
Elle fit signe au garde d'approcher.

Emmenez cet animal aux écuries et dites au palefrenier d'en prendre un soin tout particulier.

Allez viens jeune homme que je te conduise à tes appartements. Ne t'inquiète pas tu pourras aller voir Gurun autant que tu le désires. C'est bien cela son nom, non?

Ils allaient partir quand soudain un visiteur les stoppèrent net: ici.